Comptes administratifs et comptes de gestion 2015 - Olivier Chartier

Monsieur le Président, difficile d’être exhaustif quand il s’agit de présenter un CA. Andréa BROUILLE nous a donné beaucoup de détails, avant que mes collègues peut-être entrent à leur tour dans ce détail, je voudrais faire quelques remarques, au nom du groupe LR.

D’abord, il est un peu curieux, mais c’est la légalité qui nous l’impose, le Droit, de voter trois CA distincts. Il y a un petit côté décalé à prendre les bilans les uns après les autres, avec ce qui s’est passé, c'est-à-dire cette fusion des collectivités et cette grande réforme, qui rend l’exercice un peu caduque par rapport aux enjeux énormes qui sont à relever devant nous. Le nom que nous avons adopté ce matin, vous l’avez dit vous-même, n’est qu’une première étape à la construction nécessaire à faire.

Une fois que l’on a fait cette remarque préliminaire, on constate la grande disparité des CA, et nous avons trois Régions, avec chacune leurs politiques, leurs passés, leurs Histoires, et au final, des divergences, notamment par exemple sur le taux d’investissement, en Aquitaine, qui est de 44 % du Budget global et en Poitou-Charentes qui est de 24 %.
Donc on voit bien qu’il y a des disparités, que nous pourrons les uns et les autres évoquer, mais il y a quand même une tendance lourde, et c’est en préambule ce que je voulais dire, de je dirais l’inflation des dépenses de fonctionnement dans chacune de nos trois Régions, qui doit quand même nous alerter et nous mettre en garde pour l’avenir, puisque même si l’Aquitaine a des dépenses de fonctionnement au prorata de son Budget, moins importantes que les trois autres Régions, et que Poitou-Charentes est celle qui a le plus de dépenses de fonctionnement au total, il y a quand même une tendance lourde de fond, depuis plusieurs années maintenant - faute aussi à la baisse des dotations de l’Etat, faute sans doute aussi à une fiscalité que nous ne maîtrisons que très peu - mais il y a une tendance, c’est un fait, je crois que c’est incontestable, que nos dépenses de fonctionnement commencent à rognerdangereusement notre capacité et nos marges de manoeuvre. En témoignent les épargnes brutes qui sont en constante diminution, et ce sur l’ensemble du périmètre de la nouvelle Région.

Mon premier point est d’alerter l’exécutif sur cette baisse de notre épargne brute qui, si l’on veut garder une marge de manoeuvre - et je sais que c’est votre volonté sur l’investissement - nous conduira, si nous ne voulons pas faire exploser notre dette, et nous avons vu qu’au moment du Budget nous étions déjà à une dette et un emprunt prévisionnels sur 2016 conséquents, qui faisaient grimper les ratios d’endettement, de façon considérable.
Et donc le chiffre avantageux de deux ans et demi pour la Région Aquitaine, on le sait, est d’ores et déjà derrière nous, avec les emprunts qu’il faut faire pour boucler 2016.
Je crois que c’est pour nous un devoir et une alerte - à la Commission des finances nous y serons vigilants - pour maîtriser ces dépenses de fonctionnement, et tout faire pour rationnaliser nos systèmes. C’est aussi cela l’enjeu de la fusion réussie, il n’y a pas que le nom, mais c’est trouver les solutions pour faire des économies, dans les services, puisque nous voyons bien que les charges générales, même si par exemple les dépenses de fonctionnement sont contenues en Aquitaine, nous voyons bien que les charges générales, y compris en Aquitaine, continuent de progresser, et de façon assez significative, au détriment des dépenses d’intervention, puisqu’il y a des dépenses de fonctionnement - et vous allez sans doute me le dire - qui sont des dépenses d’intervention utiles au territoire. Donc on voit vraiment qu’il faut, dans ce cadre-là, faire un effort supplémentaire sur la baisse de nos maîtrises, et la baisse de nos dépenses de fonctionnement, sinon nous irons droit dans le
mur. C’était la première remarque, Monsieur le Président, que je voulais faire globalement à l’analyse de ces trois CA.

Mais mon propos ne peut s’arrêter là et ne pas contenir une mention particulière sur le CA de Poitou-Charentes. Je salue à mon tour la présence de Jean-François MACAIRE et je veux, devant lui, lui dire et vous dire, notre très grande gêne à l’analyse de ce CA pour Poitou-Charentes. Au fond, il y a deux parties dans ce CA de Poitou-Charentes : il y a ce qu’il dit, et qui nous inquiète collectivement, et il y a ce qu’il ne dit pas, et qui doit nous inquiéter encore plus, Monsieur le Président. Ce qu’il dit et qui nous inquiète, nous l’avons dit à plusieurs reprises - j’ai moi-même participé à la présentation du travail qui a été fait par Ernst & Young (EY) - sur ce que l’on peut appeler aujourd’hui le fiasco de la gestion de Poitou-Charentes.
Ce CA nous dit par exemple que notre dette, la dette de Poitou-Charentes, était au 31 décembre 2015 de plus de 450 M€, sans compter, Andréa BROUILLE l’a rappelé tout à l’heure, les 350 M€ de crédits-bails, toutes les grandes Agences de notation mondiales considèrent le crédit-bail dans les ratios comme de l’endettement et donc à prendre en compte dans nos analyses de la dette. Une Région surendettée, 45 % de cette dette structurée, et près de 90 M€ d’emprunts risqués ou très risqués, avec des prêts classés sur la grille de Gissler F6 et E4, dont vous estimeriez que ces prêts, pour désensibiliser, pour écarter tout risque, nous coûteraient environ 100 M€. J’attire ici d’ailleurs l’attention de l’Assemblée sur le fait que dans nos comptes, nous n’avons à ce jour budgétisé seulement 25 M€, et que l’on voit que s’il nous en coûtait 100 M€, l’impasse financière dans laquelle nous nous trouverions rapidement.
Premier point, une dette qui a explosé.
Deuxième sujet, un stock d’AP et d’AE tout à fait excessif : 1.8 milliards d’euros, cela a été rappelé. Nous n’avons payé que 500 000 € de ces AP et AE, et qui nous montre le potentiel de dépenses auxquelles la Région Poitou-Charentes, mais maintenant la Nouvelle-Aquitaine, pourrait éventuellement faire face, et je réitère devant vous, Monsieur le Président, le souhait de LR, du MoDem et de l’UDI, de faire, à côté des autres audits que vous avez décidé, un audit particulier sur ces AP et AE de Poitou-Charentes, compte tenu du fait qu’elles sont supérieures ou équivalentes aux AP et AE de l’Aquitaine, pour un Budget bien moins important, tout le monde le sait.
Deuxième sujet qui nous inquiète, après la dette, ces AP et ces AE.
Et puis, ces dépenses de fonctionnement, je l’ai dit tout à l’heure, qui augmentent en 2014, mais qui sur toute la période ont explosé (+ 19 %), alors même que les dépenses d’investissement - et c’est assez symptomatique et pathologique - sont en constante diminution depuis 2010, presque - 30 % d’investissement pour Poitou-Charentes.
Enfin, ce que nous pouvons trouver aussi dans ce CA, sont nos participations économiques et nos garanties d’emprunt. Nous avons demandé un audit - vous avez accédé à cette demande Monsieur le Président - de nos participations économiques et de nos garanties d’emprunt dans les satellites de Poitou-Charentes. Comment ici ne pas avoir des inquiétudes quand nous voyons la situation déficitaire de Valagro à hauteur d’1 M€ ? Comment ne pas être inquiets quand nous voyons la SEM du mélusin, Oxalor, process industriel permettant le retraitement des déchets innovant. Etre toujours dans les comptes de la gestion alors même que cette société d’économie mixte a été purement et simplement liquidée, avec plusieurs millions d’euros, sans doute 4 ou 5, de la part du Conseil Régional.
Comment ne pas être inquiets non plus quand nous voyons combien nous avons investi dans la nouvelle fabrique écologique ? Combien nous avons investi, 7 ou 8 M€ là encore au bas mot, dans éco-mobilité, dans la filière véhicule électrique ? Combien nous avons investi dans MIA avec malheureusement aujourd’hui l’entreprise liquidée ? Je n’ai jamais pu faire le contour exhaustif, j’espère que l’audit se fera, de ce que nous a coûté cet investissement dans la filière électrique et notamment dans MIA, mais je pense pouvoir dire, au bas mot, une bonne vingtaine de millions d’euros. Je pense que je serais encore en-deçà de la réalité.

Donc on voit bien ces engagements risqués, je les évalue à plus de 50 M€, sur un total de 100 M€. Il est urgent, Monsieur le Président, d’y voir clair sur nos garanties d’emprunt.La dette, le stock d’AP et AE, les questions de participation économique, les dépenses de fonctionnement qui explosent, voilà Monsieur le Président, ce que nous retrouvons dans ce CA de Poitou-Charentes et que nous pouvons considérer tous ensemble, je l’ai dit, comme un fiasco de la précédente gestion.
Mais peut-être encore plus inquiétant, Monsieur le Président, il y a ce que nous ne voyons pas dans ce CA, et pardonnez-moi mais les explications qui nous ont été données à la Commission des finances et depuis, ne nous satisfont pas. Nous sommes vraiment gênés avec ce CA de Poitou-Charentes parce qu’il ne suffit pas qu’un CA soit arithmétiquement juste ou qu’il tombe juste, en accord avec le Compte de gestion, pour qu’il décrive la réalité.
Vous-même tout à l’heure avez dit : « il faudra attendre 2017 pour avoir le vrai CA ». Et bien là Monsieur le Président, sur ce CA de Poitou-Charentes, nous ne pouvons vous suivre parce que nous ne comprenons pas comment retrouver « nos petits » sur la question de la sous-budgétisation. Madame BROUILLE nous explique et elle me l’a déjà dit, - je la remercie d’ailleurs de ses efforts de pédagogie, ainsi que votre DGS - mais de deux choses l’une : ou la sous-budgétisation existe au 31 décembre 2015, à 68 M€, et dans ce cas-là elle n’est pas comprise dans le CA qui est devant nous, ou cette sous-budgétisation n’existe plus par l’effet des délibérations modificatives, les 86 M€ que vous explicitez, et à ce moment-là, effectivement, nous devrions retrouver ces 68 M€ dans les DM, ce qui ne nous a pas été permis de voir.
Et peut-être plus ennuyeux encore, ce sont les impayés, parce que sur cette histoire des impayés, il y a clairement un problème de sincérité du Compte qui se pose. Et pardon Monsieur le Président, mais je considère que ce CA n’est pas sincère au sens où il ne retraduit pas la réalité de ce qui s’est réellement passé dans l’année 2015 budgétaire. Et au fond, on a l’impression que l’on fait un peu comme si depuis six mois il ne s’était rien passé.

Comme si, Monsieur le Président, vous n’aviez pas vous-même dénoncé les 130 M€ d’impayés qui ont été ensuite repris, comme si finalement, c’était aujourd’hui Jean-François MACAIRE, au nom aussi de Ségolène ROYAL - qui pour moi, dans la gestion, a la plus grande des responsabilités - Jean-François MACAIRE n’ayant que repris les politiques régionales, il n’a d’ailleurs jamais mis une politique en place, ou quasiment pas, il a continué ce qui était lancé avant lui. Et donc je considère que ce CA est le CA tel qu’il aurait été présenté par Jean-François MACAIRE s’il n’y avait pas eu cette fusion, c'est-à-dire un peu « circulez, il n’y a rien à voir ». Or, depuis, et je vous en fais grâce Monsieur le Président, vous avez dénoncé beaucoup de choses. Vous-même vous êtes posé la question sur la
sincérité de ce CA, et aujourd’hui, l’on nous présente un CA comme si de rien n’était. Làdessus,
Monsieur le Président, nous ne pouvons pas vous suivre. Nous pensons en effet,
qu’il était possible, et c’est là un point de divergence avec vous, de corriger ce CA, qu’il était possible de réintégrer les impayés à ce CA, non pas pour décrire une réalité comptable, mais pour décrire la réalité de ce qui s’est exactement passé. Il devrait y avoir, dans ce CA, les traces de ces impayés que nous avons dénoncés depuis le début de notre mandat. Le chapitre 6 de la M71, le titre 3 « exécutions budgétaires », nous le dit : « la régularisation des écritures erronées sur l’exercice antérieur est possible. Les éléments concernés de l’actif et du passif, et de la situation nette, seront ajustés de l’effet de la correction d’erreurs sur les exercices antérieurs ». Il est pour nous possible de corriger les impayés et la sousbudgétisation.
Je crois que cela aurait été la possibilité, à l’occasion de ce CA, de solder cette gestion de Poitou-Charentes, quitte à faire apparaître un décalage entre le Compte de gestion et le CA, car sinon nous considérons que ce CA peut être taxé d’insincérité par rapport à la réalité.

Monsieur le Président, je termine en disant qu’il est primordial et urgent d’avoir le résultat et le travail de la Chambre Régionale des Comptes (CRC), qui aura à se prononcer puisqu’elle a sans doute déjà dans ses mains ce CA de Poitou-Charentes. La justice devra être rendue. Mais nous, pour piloter notre nouvelle Région, avons besoin d’y voir plus clair, et on voit que vous avez été gêné dans cet exercice, Monsieur le Président - car vous êtes sans doute d’accord avec moi - vous n’êtes pas confortable avec ce CA de Poitou- Charentes, et vous ne pouvez pas l’être compte tenu de tout ce que vous avez vous-même dénoncé.

Ces trois audits que nous avons lancés, nous les attendons avec impatience. Je les rappelle rapidement : l’audit sur les AP et AE n’est pas encore lancé, je le regrette, je vous le rappelle. L’audit sur les garanties d’emprunt et les participations économiques, parce qu’il faut connaître à combien, au final, la facture de Poitou-Charentes va s’élever. Et troisième audit que nous souhaitons, cette évaluation de la dette structurée, pour y voir clair sur les 100 M€ que vous avez évoqués, pour sortir de cette dette, et qui nous plongerait dans un état financier beaucoup plus sérieux que celui que nous avons décrit à l’occasion du BP. C’est pour cela, Monsieur le Président, au-delà des deux votes des CA pour Limousin et Aquitaine, mes collègues prendront la parole derrière moi, que compte tenu de l’enjeu et de la gravité du moment, nous vous demandons un autre vote solennel, cette fois-ci un vote à bulletin secret, sur le CA de Poitou-Charentes, afin que tout le monde ici dans cet hémicycle puisse se prononcer en conscience sur ce qu’il considère comme la réalité de la gestion financière de Poitou-Charentes, et surtout la réalité de ce que décrit le CA de Poitou-Charentes. Nous demandons donc ce vote à bulletin secret, et je peux d’ores et déjà vous dire qu’au nom du groupe LR, et au nom de mes collègues de l’UDI et du MoDem, Jean DIONIS DU SEJOUR et Joan TARIS s’exprimeront à leur tour tout à l’heure, nous voterons contre le CA de Poitou-Charentes.
Je vous remercie.