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SRADDET Foncier : règle des -50% - Christophe Patier

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Merci Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

La somme de documents constituant le projet de sraddet, examinée aujourd’hui, fait état à plusieurs reprises du bilan quantitatif des consultations organisées parallèlement à son élaboration, prévues par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République et par délibération de cette assemblée. La répétition de cette comptabilité des réunions tenues et contributions reçues traduit l’auto congratulation et l’autosatisfaction qui accompagnent l’antienne de la co construction ressassée par les documents présentés dans cet hémicycle. Comme souvent quand vos propositions cherchent à faire passer des vessies pour des lanternes, cette présentation s’efforce de masquer l’essentiel.

L’essentiel en l’occurrence, c’est qu’un bilan chiffré ne permet aucunement de juger de la qualité d’une consultation et de son contenu réel. En effet, quel que soit leur nombre, certaines des contributions ont pu se limiter à des considérations générales sur des objectifs vagues ou des principes consensuels. En revanche, d’autres ont formulé des demandes précises sur les dispositions les plus opérationnelles, ou du moins les plus contraignantes, du projet de sraddet.

Parmi ces dernières, la réduction du rythme de consommation d’espace à 50 % de l’artificialisation constatée sur une période de référence, constitue l’une des règles les plus dures du schéma. De nombreuses dispositions se révèlent a contrario plus molles,  en effet, dans la mesure où elles se limitent, quant à elles, à afficher des intentions, plus que des objectifs, sans prévoir les moyens pour les concrétiser.

Bien entendu, l’économie d’espace agricole, naturel et forestier constitue une préoccupation largement partagée. Ce but figure en effet dans la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture, qui prévoyait déjà une réduction de 50 % de la consommation de terres agricoles, dans laquelle la loi du 13 octobre 2014, dite loi d’avenir de l’agriculture, a ajouté les espaces forestiers et naturels.

En outre la loi Alur du 24 mars 2014 a imposé pour sa part que des objectifs chiffrés de consommation économe d'espaces apparaissent dans les SCoT et soient adaptés par secteurs géographiques.

De nombreux documents d’urbanisme prennent donc déjà en considération ces obligations légales.

Le projet de sraddet réitère l’affichage de la réduction du rythme de consommation de 50 %, mais prévoit d’en effectuer sa mesure au niveau régional, ce qui constitue une bizarrerie au regard de textes en vigueur et donc une préoccupation pour les contributeurs dont les observations n’ont pas été entendues à cet égard.

En effet, les départements du littoral et ceux de l’intérieur de la région présentent des problématiques différentes qui se sont traduites dans l’expression de sensibilités divergentes sinon opposées. Les contributions issues des départements les plus ruraux ont souvent mis en garde contre une application trop rigide de cette règle. Leur crainte est qu’elle ne pénalise les territoires les plus vulnérables, avec le risque de dévitalisation et de migration des populations et des opérateurs économiques, que la réduction des opportunités en zone rurale ne pourrait que décourager. Les évolutions récentes de la législation ont déjà drastiquement réduit les surfaces constructibles, certaines petites communes ne pouvant plus accueillir de populations nouvelles faute de possibilité de logement.

Il n’est nullement rendu compte de cette différence de sensibilité par un dénombrement sec des consultations du projet de sraddet. Il n’est pas non plus fait état ni dans cette comptabilité réductrice, et c’est extrêmement regrettable, ni même dans un résumé, des propositions émises par ces contributions.

La différenciation infra territoriales du taux de 50 %, la nécessité d’introduire une gradation et une territorialisation de l’objectif n’ont en effet pas été reprises. Les questions sur la définition des enveloppes urbaines existantes ou la prise en compte du devenir des friches agricoles en zone péri urbaine restent également entières.

Certes, votre administration ne s’écarte pas, de ce point de vue, de la propension des institutions de ce pays à consulter sans concerter, avec le seul objectif de s’appuyer sur un pseudo débat pour imposer leurs conceptions au forceps.

Mais en l’occurrence quel est le but caché ? Il convient de relever, quels que soient le flou entretenu par le document et les éléments de langage qui l’enrobent, que la mesure des 50 % au niveau régional risque de se traduire en pratique par une application uniforme de ce taux à tous les documents d’urbanisme qui se présenteront à compter de son adoption. Et cette règle ouvre en tout état de cause la perspective d’une nouvelle source de contentieux. Cet intégrisme répondrait-il à des exigences des plus ayatollesques des composantes de votre majorité ?

Ou bien la péréquation, de fait autorisée, ne jouera-t-elle qu’au profit des zones qui manquent d’espace à artificialiser après en avoir consommer avec frénésie ? S’agit-il en un mot de pouvoir continuer à développer l’ouest comme il s’est développé ces dernières décennies en transformant l’est de la région en réserve d’indiens ?

Quoi qu’il en soit, le lien qui est établi entre le schéma et la politique contractuelle régionale n’est pas de nature à rassurer et ce ne sont pas des mots qui sont susceptibles d’apaiser ce soupçon. C’est pourquoi le sraddet devra absolument intégrer une différenciation de cette règle des 50 % selon les territoires.

Finalement, le pouvoir socialiste avait voulu légitimer sa réforme territoriale mal ficelée avec des schémas régionaux. Le sraddet apparaissait comme un élément important de cette stratégie en conférant un nouveau pouvoir aux conseils régionaux avec ses mesures opposables. Il serait regrettable que la Nouvelle-Aquitaine n’utilise cette faculté que pour préserver souterrainement des déséquilibres et se légitimer elle-même à travers un pouvoir discrétionnaire, avec la nouvelle couche dans le millefeuille que le sraddet vient introduire.