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NéoTerra, un livre blanc inabouti - Christophe Patier

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Pour accompagner, proposer des solutions

Les causes anthropiques du changement climatique et de la perte de biodiversité sont établies au niveau international. Établir un constat de sa mesure au plan régional, comme Acclimaterra et Ecobiose s’efforcent de le faire, est une démarche utile.
Il convient donc de se féliciter de la qualité de l’effort de synthèse entrepris.

Des réserves sur le constat peuvent être émises : une projection globale des conséquences de la somme des changements en cours sur les équilibres locaux reste difficile à établir, comme au niveau de la planète tout entière. La rigueur scientifique s’efforce certes de rester sur des faits démontrés. Les valeurs repères mentionnées dans Néoterra fixent quelques valeurs repères sur la Nouvelle Aquitaine en 2050. Mais les interactions, entre les différents champs d’investigation dont les indicateurs se dégradent, ne sont pas synthétisées, dépendantes de trop de variables et de trop d’amplitude.
Il est ainsi établi, notamment par des études françaises, que la terre peut nourrir 12 milliards d’habitants, mais cette performance aura, même avec des progrès en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre ou de déchets, des conséquences sur les écosystèmes et les conditions de vie des populations, qui ne sont pas anticipées, notamment localement. À cet égard, la succession des conflits et les migrations qui en résultent dans les zones où les capacités d’approvisionnement en eau et les ressources, notamment foncières, sont insuffisantes (Afghanistan, Rwanda, Sahel, Moyen-Orient) illustrent l’avenir sombre que le changement climatique réserve, en premier lieu aux populations les plus fragiles.
De même, la production néo aquitaine, agricole, industrielle ou énergétique est déjà affectée par les canicules, sécheresses et pénuries d’eau qui traduisent le réchauffement lequel ne touche pas seulement l’élevage, la forêt ou la vigne, mais aussi le confort et la santé des habitants. Chacun anticipe confusément que tout le monde sera impacté. Au moins du point de vue économique, et voire plus gravement dans sa sécurité, si les hypothèses catastrophiques se réalisent. 

Quoi qu’il en soit, changer les comportements pour infléchir les courbes mal orientées s’impose. C’est l’objet de la transition environnementale. Son contenu se doit donc être défini pour résoudre des problèmes. Assurément, bon nombre des buts énumérés par Néoterra méritent d’être poursuivis et pas seulement pour des raisons environnementales : supprimer les passoires thermiques, décarbonner l’économie, recycler les déchets, poursuivent aussi des objectifs économiques et sociaux.

Toutefois, les réponses à apporter doivent être proportionnées aux enjeux. Or, le constat régional néglige par exemple de rappeler que sur 35 giga tonnes d’émissions anthropiques mondiales de co2, la France pèse pour 330 millions, dont 50 à 60 millions pour la Nouvelle-Aquitaine. L’augmentation des émissions de GES étant essentiellement le fait de grands pays émergents, nos efforts n’empêcheront pas la concentration de co2 dans l’atmosphère de poursuivre son envolée au-delà des 400 Ppm, et ne ralentiront même pas sensiblement son rythme. La mention dans Neoterra d’une absorption annuelle de 2 giga tonnes de co2 par l’océan donne aussi une mesure de ce défi.

Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas s’engager dans la transition, mais que les priorités doivent être hiérarchisées et les modes d’intervention pertinents.

À cet égard, la feuille de route est un concept apprécié par l’exécutif régional, mais il n’a pas la rigueur d’un plan d’actions. Le diagnostic n’est par exemple pas abouti. Ecobiose  n’est pas présenté in extenso puisque tous ses chapitres ne sont pas rédigés. Cette session du conseil régional avec ses tables rondes expédiées dans l’après-midi fait office de débat public. Pourtant une concertation approfondie paraît encore plus indispensable sur ce thème vital que sur n’importe quel schéma régional.
De même, certaines orientations sont bien imprécises, faute d’indicateurs. La plupart des objectifs chiffrés ne reposent sur aucune démonstration de leur nécessité ou pertinence. Ces mots d’ordre mériteraient mieux qu’un statut de slogans incantatoires. 

Ce flou vise probablement à conserver la latitude de naviguer à vue en fonction des écueils politiques avec chaque mesure concrète. Néanmoins la présence d’options déjà arrêtées semble discutable. Imposer des normes, par exemple, implique des surcoûts, dont le poids n’est pas le même pour les plus faibles et les autres. Interdire et taxer sont souvent des réflexes plus faciles à arbitrer budgétairement que des incitations ou des aides dont le caractère intensif détermine pourtant le succès auprès du plus grand nombre.
De même, les nouveaux standards auront un impact territorial auquel il faut veiller. Les grandes agglomérations congestionnées et les zones rurales écologiquement plus vertueuses ne pourront en assumer les conséquences sans traitement différencié.

C’est pourquoi, il me semble que la stratégie régionale reste à affiner. Néoterra, pour être fidèle aux buts affichés, doit être prolongé, par un diagnostic complété, un débat public, des objectifs quantifiés, un plan d’actions précis, le cas échéant une territorialisation des mesures. Néoterra aurait dû être un livre vert. Il se présente comme un livre blanc inabouti.

Cet appel à un approfondissement et un suivi permanent sera je l’espère entendu, afin d’enlever le doute sur la pureté des intentions de la démarche, face à un défi qui nécessite pour être relevé l’adhésion du plus plus grand nombre.